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Vandana Shiva sur le Ceta: «Je suis très fière de la Wallonie!»

Invitée du Festival des Libertés au Théâtre National, l’icône altermondialiste nous a parlé du Ceta. Elle a aussi évoqué son combat contre les OGM et le film « Demain ».

En refusant de signer le Ceta, la Wallonie fait parler d’elle dans le monde entier…

Je suis très fière de la petite Wallonie ! Oui, vous êtes héroïques. C’était nécessaire. Je viens d’Inde, et les traités commerciaux, nous connaissons. La Compagnie des Indes orientales les a utilisés pour nous coloniser. Car les accords de libre-commerce permettent aux voleurs de parader comme des marchands et de devenir ensuite les chefs. Les ingénieurs en génétique et les industries chimiques ont besoin des accords de libre commerce pour imposer des brevets sur les semences. Mais moi j’ai décidé qu’on ne pouvait pas accepter que des éléments vivants soient brevetés : les semences n’ont pas été inventées par Monsanto ! Nous avons vu ce que l’OMC et ses accords de libre-échange ont eu pour résultat : tout est à vendre, tout est profit, et toutes les protections élaborées dans nos Constitutions sont démantelées au nom du capitalisme. Puisque nous avons organisé des mouvements de résistance, ils n’ont pas pu parcourir tout le chemin prévu. C’est à cause de ces accords que les agriculteurs européens viennent régulièrement protester à Bruxelles contre le prix du lait. Et il y a dans ces accords ces règles phytosanitaires au nom desquelles la mauvaise nourriture truffée d’antibiotiques, d’OGM, remplie de résidus de pesticides, de glyphosate, est déclarée saine alors que la nourriture produite par des économies locales, les merveilleux fromages d’ici, de délicieux snacks indiens produits par des femmes, sont déclarés illégaux. Et maintenant ils essayent d’imposer le Ceta, et puis le TTIP. Voilà pourquoi je suis si fière des Wallons qui se sont dressés pour stopper une machine qui veut détruire le monde. Dans Time magazine, j’ai vu des images de la Libye : dans ce pays, les gens sont devenus des corps à vendre. Oui, la Libye fait partie de ce projet d’une économie globale. Car le crime de globalisation, c’est de faire disparaître toutes les économies locales, ce que les femmes produisent, le travail des paysans.

Selon vous, si le Ceta était modifié sur certains points, pourrait-il être positif pour le développement de l’économie ? Ou faut-il limiter les échanges et garder ses frontières fermées ?

Nos frontières n’ont jamais été fermées. L’Inde exportait des textiles et des épices bien avant que la Compagnie des Indes orientales ne se mette à l’administrer. La plus grosse illusion créée par ceux qui veulent le libre-échange a été de faire croire que c’est la seule façon de faire du commerce. Il n’y a pas que le free-trade, il y a le fair-trade, le commerce équitable. Nous avons besoin de ce commerce équitable. Evidemment que la Belgique où il gèle doit importer du café. Mais il est possible de le faire via des accords équitables, grâce auxquels les producteurs de café obtiennent un prix juste. Huit ans après que de nombreux pays ont signé en 1995 à Marrakech les accords de l’OMC, les revenus des producteurs de café sont tombés de 9 à 5 milliards de $. Et ceux des vendeurs de café, les Starbucks et Nestlé, ont bondi de 40 à 70 milliards. Et ces règles mènent à un écocide et à un génocide : 300.000 paysans poussés au suicide, c’est un génocide, même si Monsanto le nie.

Ces suicides de paysans ne sont pas provoqués uniquement par le prix des semences transgéniques, mais aussi par l’absence d’accès au micro-crédit ou au manque d’aide de l’Etat…

L’OMC interdit aux gouvernements d’aider les paysans ! Les accords de libre-échange comportent des clauses interdisant ce type d’aide. C’est la même chose en Europe, où de nombreuses petites fermes doivent fermer.

A la fin de ce siècle, nous serons 10 milliards sur terre. Quelle est pour vous la solution pour nourrir tout ce monde ?

Lorsque les fermiers cultivent leurs semences en respectant la diversité et les systèmes écologiques, sans intrants chimiques, ni industrialisation, le rendement des terres permettrait de nourrir deux fois l’Inde. Alors que pour faire pousser du soya, on a détruit l’Argentine, l’Amazonie, le middle-west américain, et puis on l’envoie par bateau en Europe pour nourrir des animaux élevés dans des fermes-usines, et les petites fermes meurent alors que les animaux y vivaient dans de bonnes conditions, produisaient du bon lait. C’est ça, notre système de nourriture ? Des matières premières agricoles vides de nutriments ! On cultive désormais du maïs et du soya partout, fruits de manipulations génétiques et qui produisent des royalties. C’est avec cela qu’on nourrit le bétail, et 70 % des destructions de l’environnement sont dues à l’agriculture industrielle. Ces accords sont remplis de mensonges. Encore une fois : merci la Wallonie !

Pour vous, certaines biotechnologies peuvent-elles être utiles, pour soigner ou nourrir les gens, ou les refusez-vous ?

En tant que scientifique, j’étudie les systèmes, et je ne veux pas poursuivre un mirage qui pourrait peut-être un jour, de façon hypothétique, trouver une solution. Les biotechnologies sont des outils qui fonctionnent en modifiant les semences. Plusieurs OGM sont maintenant commercialisés : maïs, soya, colza, coton. Et nous avons le glyphosate (Roundup). Le coton transgénique BT résiste-t-il mieux aux insectes ? Monsanto l’avait promis mais 70 % de ce coton est détruit par ces insectes ! Si un outil, ne marche pas, il faut en changer. L’agro-écologie est beaucoup plus sophistiquée, produit plus de nourriture et réussit à contrôler les mauvaises herbes et les insectes, beaucoup mieux que ces produits ! Il y a aussi le Golden Rice, mais qui n’est pas sur le marché. L’ambition de ceux qui l’ont mis au point c’est un riz enrichi en vitamine A (NDLR : pour limiter le grand nombre d’enfants devenant aveugles à cause d’une carence en vitamine A). Mais sa teneur en vitamine A sera toujours de 400 % inférieure à des alternatives que les femmes pourraient produire si les monocultures industrielles ne les empêchaient pas de cultiver dans la diversité.

Certains vous disent rétive au progrès, vous voudriez que les gens cultivent comme au Moyen-Âge…

Si vous pensez que la diversité sur cette planète, cela fait Moyen-Âge, ok. Mais on ne peut pas s’offrir une planète sans diversité. On doit mettre fin à l’extinction des espèces, à la pollution de l’atmosphère. Si on ne limite pas le réchauffement, l’espèce humaine sera aussi en danger. Si ça c’est le progrès, une planète qui meurt, des enfants malades, des parents et des jeunes sans emploi, alors bonne chance à vous ! Les monocultures industrielles utilisent dix fois plus d’eau que l’agriculture traditionnelle et ont fait disparaître 93 % des espèces. Dans 5 ans, on aura une planète morte.

Le film « Demain » a donné un nouvel espoir à tous ceux qui l’ont vu, en Belgique et en France…

… oui, je figure dans ce film, qui a réussi à réveiller les consciences. On a besoin de ce genre de film. Il y a 20 ans, la globalisation c’était de belles promesses, et en 2016 on a le Brexit, Trump, Le Pen. On a créé un système qui prive les gens de leur emploi, et protéger ces emplois, c’est du protectionnisme qui doit être combattu ! Et puis on se plaint de l’insécurité. On a une économie qui ne prend pas soin des gens et la démocratie est devenue une compétition de haine. Mais on ne peut pas nous laver le cerveau comme cela. Quelques acteurs ont mis fin à la concurrence et créé des monopoles comme jamais. C’est pour cela que, la semaine dernière à La Haye, nous avons établi un tribunal pour juger Monsanto. Détruire la planète, c’est un écocide. La crise est sévère mais, comme l’a montré « Demain », à chaque problème sa solution. Et pas en théorie, dans des illusions futuristes, mais de façon très pratique, aujourd’hui.

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Un potager issu d’une des plus anciennes banques de graines mondiales

Pour faire vivre la diversité et la mémoire végétale du monde, des agronomes sont allés piocher des graines dans l’exceptionnelle collection végétale de l’institut russe Vavilov pour les planter en France.

Inauguré jeudi sur le site du siège du groupe Seb à Ecully, dans l’agglomération lyonnaise, qui a soutenu financièrement le projet, il s’agit du premier jardin conservatoire en France issu de cette incroyable banque de graines.

L’Institut Vavilov de Saint-Pétersbourg renferme 325.000 semences, racines, boutures collectées dans le monde depuis 1894. Il porte le nom de l’éminent botaniste Nicolaï Vavilov (1887-1943) qui a passé sa vie en expédition à récolter des variétés sauvages ou cultivées, convaincu que la sécurité alimentaire ne serait assurée que si la diversité biologique était préservée. D’où l’importance de disposer de l’éventail de variétés le plus large, en remontant jusqu’au parent sauvage d’une plante cultivée.

Preuve que cette collection n’a pas de prix, 12 collaborateurs de l’Institut sont morts de faim pendant le blocus de « Leningrad » pour sauver ce patrimoine alors qu’ils avaient sous la main des milliers de semences de blé et de maïs qu’ils auraient pu manger.

Vavilov renferme une partie de la mémoire végétale du monde. Il a fallu d’ailleurs aller à Saint-Pétersbourg pour retrouver des légumes français oubliés comme le haricot beurre nain des Monts d’or, le chou quintal d’Auvergne ou l’orge gloire du Velay, souligne Stéphane Crozat, directeur du CRBA, le centre de ressources de botanique appliquée basé à Marcy-L’Étoile, dans l’ouest lyonnais.

« Face à l’érosion de la diversité, il est très important d’avoir ce premier jardin conservatoire Vavilov en France et 15 autres devraient voir le jour prochainement », se félicite Nicolaï Dzyubenko, directeur de l’Institut.

La spécificité de Vavilov, à la différence par exemple de la banque de semences végétales congelées de l’archipel arctique du Svalbard, est que sa collection est in situ, notamment pour les vergers. Les graines, quant à elles, sont resemées tous les dix ans, date limite de conservation d’une semence, souligne Ivan Logvenoff, agronome chez le paysagiste Tarvel, un des autres partenaires locaux du projet.

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L’agriculture cellulaire

Agriculture cellulaire : l’art de faire pousser des légumes sans graine, juste à partir de cellules souches

Il s’agit d’une petite machine dans laquelle on introduit une dose de cellules. Une semaine après, on obtient de la salade, des framboises ou des courgettes. De vrais légumes bios, parfaitement sains qui n’ont rien à voir avec les produits chimiques Tricatel de l’Aile ou la Cuisse.

C’est ce qu’ont réussi à mettre au point les chercheurs finlandais de VTT Research. Un incubateur permet de cultiver des légumesdirectement chez soi sans transport ni pollution. Et comme il n’y a pas graines, il n’y a pas besoin non plus de terre, d’engrais ou pesticides.

Très bien, mais ils ressemblent à quoi ces légumes ?

C’est le problème, ils ressemblent à une espèce de pâte granuleuse, comme de la semoule ou du riz trop cuit. On dirait du petit pot pour bébé.

En revanche, ils ont exactement les mêmes caractéristiques nutritionnelles que les légumes de jardin avec les mêmes antioxydants, les mêmes fibres et les mêmes vitamines.

Et comme il s’agit de cellules souches, rien n’empêche de faire pousser des cocktails de légumes avec les meilleurs nutriments des carottes, des épinards et du quinoa par exemple.

Ça veut dire que l’on peut faire pousser n’importe quel légume, à n’importe quelle saison ?

Exactement et en une semaine seulement.

Pour autant, l’objectif n’est pas de remplacer l’agriculture classique mais d’y apporter un complément.

Aujourd’hui, l’agriculture moderne est dans une ornière. On lui reproche son impact, à la fois sur l’environnement et sur les ressources naturelles. On annonce neuf milliards d’humains en 2050 et il faudra bien les nourrir, si possible sans mettre la planète à genoux. L’agriculture cellulaire pourrait donc apporter une réponse, cultiver directement chez soi.

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Le souchet : la nouvelle « graine » healthy

Si on parle communément de « graine », le souchet est d’un point de vue botanique un tubercule issu de la plante chufa. Sa saveur de noisette devrait vous ravir ! Sans gluten, il se décline surtout sous la forme de farine et de boisson. Ca change du lait d’amande ! Tout sur le souchet, un nouveau venu dans la cuisine santé qui gagne à être connu.

Dépourvu de gluten, le souchet a tout pour plaire aux amateurs de healthy food. Originaire du bassin méditerranéen et de couleur ambrée, ce petit tubercule issu de la plante chufa (on l’appelle aussi noix tigrée ou amande de terre ou encore pois sucré) est bourré de qualités : un apport élevé en fibres insolubles bonnes pour la digestion et le transit instestinal, une belle teneur en protéines végétales (26 g pour 100 g de farine), une palette de minéraux (phosphore, potassium, calcium, magnésium), de la vitamine E (antioxydante) et de bons acides gras. Et bonus, l’ami souchet apporte des substances de plus en plus rares dans notre alimentation industrialisée comme la biotine (essentielle à la santé des cheveux et la peau) et la rutine (fortifie les vaisseaux sanguins). Un biologiste et chimiste allemand, le Dr Walter Scharz, l’a carrément qualifié de « nourriture de survie » ! Selon cet expert, 30g quotidiens de souchet suffiraient à faire survivre un homme en couvrant ses besoins fondamentaux en substances nutritives !

Et ça se consomme comment ?

Comme une friandise : en Afrique, on grignote les graines séchées de souchet comme des cacahuètes. Chez nous, les initiés les mélangent à leurs mueslis, céréales, yaourt, fromage blanc, lait et même à leurs crudités. Du nouveau et du croquant aussi à picorer en collation ou à l’apéro… On en trouve sous la marque Keïal ou Ethnoscience (en magasins bio, autour de 4 € les 200g).

Façon lait végétal : nutritive et rafraîchissante, la boisson à base de souchet qui rappelle la noisette est très populaire en Espagne, dans la région de Valence. Là-bas, on l’appelle « horchata de chufa » (lait de souchet). Elle est produite à partir de tubercules de souchet broyés et filtrés, puis on ajoute du sucre de canne. Elle est servie glacée, parfois avec de la glace pilée. 100 ml, c’est 66 kcalories, 0,5 g de protéines, 10 g de glucides et 2 g de matières grasses. On en trouve sous la marque Amandin, à environ 3€ le litre (en magasins bio).

Version pâte à tartiner : elle se présente en pot de verre et peut remplacer la pâte d’amande ou de noisette. A déguster sur du pain ou à intégrer dans des smoothies ou des milkshakes. On en trouve sous la marque Ecoidées (7,90€ le pot de 250g, en magasin bio)

En farine : certains la saupoudrent directement sur leurs crudités ou leurs salades. Comme sa saveur est douce et sucrée, elle peut être utilisée pour faire des gâteaux (cake à la carotte ou clafouti aux poires par exemple). Les connaisseurs l’emploient aussi pour préparer la pâte à pain. Une alternative pour les personnes intolérantes ou sensibles au gluten qui ne peuvent pas consommer de farine de blé, d’orge, d’avoine ou de seigle. Autre avantage, en particulier pour ceux qui surveillent leur ligne : son index glycémique (IG) est bas (35), donc sa consommation ne fait pas grimper l’insuline qui fait stocker. La farine de souchet existe aussi mélangée à de la farine de riz ou de châtaigne sous la marque Ma vie sans gluten (en magasins bio, environ 6€ les 500g).

Sous forme d’huile : sa composition est proche de celle de l’huile d’olive et son goût de fruit sec, un peu sucré, est extra dans les salades. Encore très peu utilisée chez nous, on en trouve dans les épiceries de spécialités du Magreb.

Bref, que de bonnes raisons de tester cette nouvelle graine santé !